Les Vans en Ardèche (Occitanie)

Dans son livre "Belles étoiles", Eric Poindron nous raconte son voyage avec Stevenson dans les Cévennes partant du Puy-en-Velay jusqu'à Alès en suivant le GR®70 ou Chemin Stevenson.

Eric Poindron 

Eric Poindron au Puy-en-Velay

Eric Poindron au Puy-en-Velay en Haute-Loire

1 Eric Poindron au Puy-en-VelayDépêchez, changez-vous, on va répéter... Un « fou du roi » gesticulant comme cent diables énervés s'adresse à nous. Multicolore, chargé de clochettes et vêtu d'un étrange manteau chamarré, il attrape la bride de Noée et l'attache avec ses consoeurs, plusieurs ânes de tailles et de couleurs différentes... Vous êtes dans quel groupe ?   Notre étonnement et notre mutisme intriguent. Vous ne participez pas aux réjouissances ?.. A priori, toutes les réjouissances nous réjouissent, mais ni l'ânesse ni ses conducteurs n'ont reçu d'invitation. Derrière l'aimable « fou », un véritable camp de bateleurs est dressé. Feux de joie, longues tables de bois, vaisselle d'étain et cruchons en pagaille... Des jeunes gens, guerriers, s'adonnent au fléau d'armes et à l'arbalète. Courte question de notre part, suivie d'une longue réponse de l'intrigant fanfaron.

Le Puy en Velay en Haute-Loire (GR3, GR®65, GR®70, GR®700)La vieille ville du Puy se prépare aux festivités Renaissance. Tous les habitants en sont. On croise des ours - vrais et faux -, des magiciens, des bourgeois, des dames galantes et des ribaudes. Des gendarmes font la circulation pour laisser défiler les gens d'armes. C'est feux d'artifice et ripaille pour plusieurs jours. C'est la fête du roi de l'oiseau qui désignera le meilleur archer de la ville. Il faut tuer le papegai, le perroquet en ancien français.

Durant une semaine, les saltimbanques joutent et festoient. Même le maire se déguise! Quitte à décevoir notre interlocuteur, nous avouons notre humble statut de vagabonds en escale... Beau joueur, il se propose de garder Noée - et les sacs à dos - et de lui donner un peu de vieux pain pendant que nous nous restaurons. Dans la foulée, il nous offre un verre d'hypocras, un vin chaud aromatisé à la cannelle et aux épices. « Servi en hiver et souvent au dessert. » Santé...

Ainsi, chaque année, la ville s'amuse à remonter le temps. Un bon geste, c'est pour l'Histoire. On trouve sur chaque rempart des créneaux de carton-pâte et des soldats en armure. Des pont-levis improvisés se dressent à chaque coin de rue, des canons en plastique menacent, sous la surveillance de hallebardiers « roides » comme les clochers de la ville. On s'amuse du faux, on oublie les soucis et on trinque à la moindre occasion... Jadis, on avait inventé la fête du roi de l'oiseau pour empêcher les jeunes gens de fréquenter avec trop d'ardeur les tavernes. Pendant qu'ils levaient l'arbalète, ils levaient moins le coude. Aujourd'hui, c'est l'inverse. A peine la flèche décochée sur l' oiseau factice, on se rue à la buvette et ses chopes fraîches. C'est une Renaissance de pacotille qui s'imagine, bon enfant, loin des tensions et des violences du temps passé. Autrefois, pas de foire sans coup de couteau.

1 Eric Poindron au Puy-en-VelayA l'auberge, on se devait de faire déborder le verre de l'invité. En s' asseyant, on avait piqué sous la table la coutelière, le long couteau pointu de Laguiole, pour le saisir aisément. Il fallait pouvoir le planter dans les côtes de l'autre si le propos venait à s'échauffer. Pourtant les buveurs en armes appartenaient à la confrérie des pénitents ! Ils portaient la croix et, pour un oui ou pour un non, s'adonnaient à la génuflexion. Quand saint François Régis, patron des dentellières, tint à les évangéliser, c'est souvent sous une pluie de coups qu'il dû accomplir sa sainte besogne. Dans le même esprit, en observateur attentif, le beau conteur auvergnat Henri Pourrat sut agiter sa plume. L'anecdote qui suit n'est pas sans rappeler celle racontée par Lucifugus Merklen à propos d'un cocu et d'une gouttière défectueuse : « On fait le conte d'un paysan embusqué dans le buisson, fusil au poing, au matin d'un dimanche. Il attend un voisin dont il a à se plaindre. Cependant, l'heure avance. Et tout soudain, entendant sonner les trois coups au clocher du bourg, il éclate : "Ah, le cochon ! Il va me faire manquer la messe."»

Le Puy en Velay en Haute-Loire (GR3, GR®65, GR®70, GR®700)Les populations de jadis, aux murs sauvages et délicieuses, possédaient le sens du divin et de l'exactitude. La paysannerie et les croquants ont des allures de vieilles gravures sur bois à l'encre encore fraîche. Quand midi sonne au carillon, nous dénichons la taverne du temps « décrit », prenant soin de regarder sous la table si une rapière ou un surin s'y cachent. Entendu à l'Âme des poètes, le café où nous nous sommes retranchés : « Tu sais on ne fait que des conneries sur terre, quoi d'autre ? » Et puis : « Cette ville, c'est un mélange de curés, de bourgeois calfeutrés, de paysans montés à la ville et de fous. »

Le Velay, voilà le royaume même des seigneurs brigands et des pèlerins passants, des béates toutes bonnes, courbées sur leurs carreaux de dentellières, et des vieux sauvages qui rentrent de foire, chantant, gueulant, tenant toute la route, des menues lentilles vertes et des joyaux enrichis de grenat, des fades de la ravine et des fastes des monts. Après un verre de vin chaud accompagné d'un thon au gingembre et au poivre jeunet, de riz safrané et d'une estouffade de lapin, diligente visite de la cathédrale romane - l'évêque Le Breton et la Vierge noire, fierté de la cité, s'y reposent. Dédales et remarquable édifice. Un bas-relief représente un âne, cabriolant comme un lapin. Autour de nous, on s'active, en silence, à la prière. Faut-il rappeler l'esprit byzantin, oriental de la cathédrale ? Faut-il rappeler qu'avec Paris, Arles et Vézelay, la cathédrale est un départ pour le pèlerinage qui mène à Santiago de Compostella - six cents kilomètres jusqu'à Roncevaux et sept cent cinquante de la frontière espagnole à Saint Jacques-de-Compostelle ? Plus loin, monsieur et madame Touristes portant bermuda et bâton de pèlerin pour madame, survêtement violet et appareil photo pour monsieur, s'activent au pied de l'église Saint-Michel-d'Aiguilhe. L'appareil photo est sur son pied. Monsieur actionne le déclencheur automatique et rejoint avec entrain sa moitié qui tient pourtant beaucoup de place sur la photo. L'opération chronomètre est répétée trois fois. A l'arrière-plan et en contre-plongée, la chapelle Saint-Michel demeure immuable.

En haut du piton volcanique et touristique, un mendiant vêtu lui aussi d'un survêtement violet - l' attraction religieuse pousse-t-elle les individus à se parer d'une couleur cardinaliste. - réclame sa part de gâteau. Nous évaluons l' escalade à plusieurs centaines de marches.

2 Eric Poindron au Puy-en-VelayMendicité et alpinisme, le courageux mérite son aumône.
Dans la ville haute, les dentellières sont à leur poste, disposées avec méthode dans les colimaçons et les ruelles pittoresques. Elles sont, avec la lentille verte et fameuse, l'autre fierté désuète du Puy. Presque une appellation d'origine contrôlée. On les rencontre le plus souvent sur les cartes postales, quelquefois sur le pas des échoppes, terminant le napperon qui grossira le tas comme une pile de crêpes. Au-dessus des dentellières, l'écriteau rituel semble forcer la main ou le porte-monnaie . « Ici pas de dentelle d'importation. »
Quand bien même la dentelle serait importée ou mécanisée, on peut toujours faire semblant. Les vieilles échoppes d'antan sont fermées pour de bon. Malgré ses qualités architecturales, ses ruelles et ses murs ocres ou roses de belle facture, la ville qui mène en Espagne ne parvient pas à dévoiler son identité.

2 Le Puy en Velay Haute-Loire AuvergneReligieuse et pluvieuse, la cité mélange bigoterie et mystère, sacré et sorcier. Foi et tourisme aussi, ce qui n'est en aucun cas incompatible. Les rues et les façades historiques conservent une fraîcheur que l'opéra de la Bastille pourrait leur envier. Pourtant, l'habitant s'oblige à en rajouter dans le plâtre et le stuc. Attention au décorum. Cette ville qui croit aux miracles, ou croit y croire, est-ce la lave des plateaux volcaniques qui l' a ainsi pompéisée ?

La rue Henri-Pourrat descend jusqu' au cimetière. À notre gauche, la vieille ville et ses colifichets touristico-religieux, boules de neige et Vierge noire, cierge et posters de saints patrons. A notre droite, en amont, le cimetière et les bigots que le Tout-Puissant a rappelés. Il suffit d'enjamber une ruelle pour passer du culte - et son denier - à l'éternité. Mieux qu'un lieu-dit. Au milieu du cimetière, c'est une jeune étudiante qui déballe des anecdotes mortuaires. Elle apprend aux touristes studieux et médusés que les pénitents de Saugues se rendent au Puy le vendredi saint. Là, ils envahissent les restaurants pour se gaver de cuisses de grenouilles préparées à leur intention. Le rapport avec les bénitiers ~ . Les touristes commentent, mais la guide reforme les rangs... Lorsqu'elle déclame « Le gitan et la leucémique », on croirait une nouvelle fable de La Fontaine. Chacun presse le pas et prête l'oreille... Front altier, visage pâle et grave, la guide se fait la voie avant d'insuffler ses boniments. Autour d'elle le groupe s'est resserré. Chut, ça commence...

Il y a quelques dizaines d' années, un gitan s' était amouraché d'une jeune fille du Puy. Malédiction, il apprend que sa bien-aimée est atteinte de leucémie. Notre homme ne se laisse pas impressionner. Il sait que l'amour est affaire de magie et conserve de sa grand-mère un grimoire - une pâle copie du Grand Albert - pour réveiller les morts. Visible uniquement aux solstices et un soir d'orage, précise le guide. La jeune femme s'épuise, ses veines bleuissent un peu plus chaque jour. Elle devient diaphane comme le linceul, se prépare pour le voyage a trépas... De son côté, notre bon gitan en profite pour réviser ses tours et ses formules. Misère, la bien-aimée rend l'âme ! Le gitan suit l'enterrement, repère le caveau où la morte doit reposer et prend son mal en patience. Au soir précisé par le livre de magie - orage, solstice et tous les ingrédients -, il revient au cimetière, crochète la porte de la chapelle et descend dans le caveau où s'entassent quatre cercueils. Muni d'une lanterne, il repère celui qu'il croit être le lit de son aimée. Dans le silence de la crypte il force le bois - grincement horrible du guide. A l'instant de glisser l'avant-bras dans le cercueil, c'est un corps décomposé et rieur qui lui apparaît...

3 Le Puy en Velay Haute-Loire AuvergneD'effroi, il lâche le couvercle. Sa main, écrasée par le poids, brise au passage plusieurs côtes de la défunte. Voilà notre gitan avec une main coincée dans la cage thoracique de celle dont il convoitait le coeur. La lanterne tombe. Terrifié et aveugle, le couard ne parvient pas à extraire son bras de la boîte macabre. Cette fois, il comprend... La grande faucheuse lui fait du coude. Il se débat, hurle à tout-va, maudit dans le même instant sa grand-mère et l'amour... La guide fait silence... Son effet passé, elle poursuit sur le ton de la confidence.

4 Le Puy en Velay Haute-Loire AuvergneUn fossoyeur, trouvant la porte du caveau ouverte au matin, a, retrouvé le gitan sur le sol. Presque sans vie... A cet instant, il faut en convenir, la guide a gagné la partie. Le groupe est chancelant. La narratrice reprend son souffle et déclare, grave et solennelle, que le malheureux tient depuis trente ans des propos désordonnés dans l'hôpital psychiatrique où il est interné. On raconte même que certains soir de brume au cimetière...

Les touristes sceptiques sortent bourses et crapauds sans avarice. Soulagé ou inquiet, chacun paye la redevance, s'écarte au plus vite de la sinistre chapelle et quitte en silence le cimetière, après un dernier regard sur le caveau maléfique. Henri Pourrat aurait été flatté d'apprendre que son nom balisait la ruelle proche d'un cimetière et qu'on y racontait des histoires horribles, semblant sortir de ses propres contes. Comme dans un livre de magie les touristes ont disparu. Plus de passants, aucun habitant, personne. Au fait, comment appelle-t-on les habitants du Puy ? Des puysatiers ?

En quittant la ville et l'archevêché le plus riche de France - on nous l'a assuré -, on peut apercevoir le rocher Corneille qui donne la réplique à l'Aiguilhe. Ici encore la tartufferie de l'Histoire a jeté son dévolu sur le piton. On a érigé en son sommet une lourde Vierge à l'Enfant avec le bronze de plus de deux cents canons récupérés à Sébastopol. L' ensemble sulpicien rappelle que les guerres, d'Empire ou non, peuvent servir à racoler le pèlerin. C'est haut comme un phare, seulement ce n'est pas un phare et c'est moins beau. Découvrant sa première maison en dur, feu le clown Achille Zavatta s'était écrié : « Elle est bien cette baraque, mais elle manque de roulettes! » s'est un peu l'impression que me donne Le Puy en Velay. Studieuse et pieuse, vissée et solide. Ordonnée. Une grande maison de notaire où, chose assez rare chez les notaires, on vous offre le vin chaud. par Eric Poindron. Extrait de "Belles étoiles" Avec Stevenson dans les Cévennes, collection Gulliver, dirigée par Michel Le Bris, Flammarion. 5 Le Puy en Velay Haute-Loire Auvergne

 

L'Etoile Chambres et tables d'hôtes à La Bastide Puylaurent entre Lozère, Ardèche et Cévennes

Ancien hôtel de villégiature avec un magnifique parc au bord de l'Allier, L'Etoile Maison d'hôtes se situe à La Bastide-Puylaurent entre la Lozère, l'Ardèche et les Cévennes dans les montagnes du Sud de la France. Au croisement des GR®7, GR®70 Chemin Stevenson, GR®72, GR®700 Voie Régordane (St Gilles), Cévenol, GR®470 Sources et Gorges de l'Allier, Montagne Ardéchoise, Margeride et des randonnées en étoile à la journée. Idéal pour un séjour de détente.

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