Langogne en Lozère (Occitanie)

Quittant Pradelles et la Haute-Loire pour la Lozère, Eric Poindron arrive à Langogne dans le Gévaudan avant de remonter vers Le Cheylard l'Evêque.

 

1 GR®70 De Pradelles (Haute-Loire) à Langogne (Lozère) 

De Pradelles (Haute-Loire) à Langogne (Lozère)

GR®70 De Pradelles (Haute-Loire) à Langogne (Lozère)

GR®70 De Pradelles (Haute-Loire) à Langogne (Lozère) 1En quittant Pradelles, nous évitons une nouvelle fois le GR®70 pour mieux suivre le cours d'une gracieuse rivière et ses murmures d'automne. Après l'église, nous ne retrouvons pas les petits signes blanc et rouge. En contrebas, la clarté du début d'après-midi laisse entrevoir Langogne, la capitale du Gévaudan. Nul besoin de boussole ni de carte d'état-major, il suffit de glisser, tout droit, en direction de l'étape. Nous hésitons entre route et serpentins à l' écart mais Noée fait son choix. Elle refuse de côtoyer les automobiles qui vrombissent. Plus haut, sur les flancs où se pressent les voitures, les conifères font office de maigre végétation. Quelques sapins sans aiguilles restent debout, tendant leurs multiples bras, semblant chasser les éventuelles bêtes férosses - orthographe de Stevenson à propos du loup ou du monstre. Nous suivons donc la rivière.

Après le bain de sang, c'est un bain de soleil qui s'offre à notre escapade. Une jambe me fait souffrir, qu' elle aille au diable. Le voyage au long cours devient le voyage au long "cors". Brave chemin où les culs-de-sac n' existent pas. Humeur légère malgré les douleurs. Le cours d'eau murmure comme un carillon flânerie sylvestre et sybaritisme. Quand on marche, on défriche ou on déchiffre ?..

À propos de friche et de chiffres. C'est après la Seconde Guerre mondiale que Roger Beaumont et sa femme Mireille imaginèrent de baliser la France en la peignant en rouge et blanc. Il existait alors cent cinquante kilomètres de chemins recensés, essentiellement le long de la Loire. Ce couple tranquille et aimable balisera à son rythme et durant presque une vie quinze mille kilomètres de chemins sauvages. Ce sont les célèbres GR, chemins de grande randonnée.

GR®70 De Pradelles (Haute-Loire) à Langogne (Lozère) 2La Corse à pied - le célèbre GR®20, le plus coriace de tous, les Alpes et le tour du Mont-Blanc, Chamonix-Menton, les pyrénées, de l'Atlantique à la Méditerranée. Depuis, d'autres bonnes volontés ont pris le relais, d' autres couples amoureux, et quarante mille kilomètres de chemin sont offerts désormais à qui souhaite dénicher des garde-fous loin des rythmes haletants. Un salut cordial à l'adresse de ces deux rêveurs frénétiques, Arthur et Zoé, des voies caillouteuses. Cet après-midi l'automne sent bon et les derniers rayons me bronzent la nuque et le crâne.

J'oublie mes obligations, je suis un origami, un canard sauvage, petit bateau de papier, flâneur qui aborde Langogne. Dans quelques minutes, ma rivière se jettera dans l'Allier et il restera le souvenir d'une dérive ensoleillée et simple.

Au coeur du Gévaudan
Premiers bruits de civilisation à l'approche de la ville. C'est l'entrée en Lozère. Sur le pont, un camion de fuel, avec la bête du Gévaudan peinte sur la citerne, nous renseigne sur notre direction. C'est bien le seul... La chaussée appartient désormais aux automobilistes qui klaxonnent avec véhémence. L'un d'eux se lâche: "Cassez-vous" Le vieux pont franchi par Stevenson n'existe plus. Ici, il rencontra une jeune fille insolente. Aujourd'hui la petite fille mal élevée serait rapidement renversée par les crétins à roulettes. Depuis un siècle les pierres ont laissé place au bitume et à ses mauvaises manières. À notre arrivée, nul présence féminine. Depuis le début du voyage, nous n'avons guère croisé de regard féminin. Ici et ailleurs, les girondes demoiselles ont dû être dévorées par la fameuse bête...

GR®70 De Pradelles (Haute-Loire) à Langogne (Lozère) 3En face de la halle du XVIIIe siècle - fierté de la ville pour cause de " classement historique " - nous garnissons nos sacs pour le souper du soir. Nous n' avons pas touché au fromage du matin et le couplons avec un petit panier de charcuterie fine. Le charcutier renfrogné vend sa camelote à contre-coeur. Impossible de lui extorquer la moindre adresse. Marchand de saucisses, pas office de tourisme. Il bougonne. Malgré ses qualités architecturales, Langogne ne retient guère ses invités. Dans la morne cuvette, la population rechigne sans raison. La ville sort du bureau et se hâte, c'est l'heure des pantoufles et de la soupe.

Dérive dans le centre à la recherche du panneau "Sortie ". Au cinéma central, on projette comme partout des films américains. Affiches criardes, flingues géants et noms des acteurs en grand format. Sous les affiches, les jeunes gens chevauchent leurs mobylettes. Chacun y va de son commentaire. Je hais les acteurs. C'est le titre d'un film. Comme ailleurs, les paysans ont laissé place à des cadres pressés. Elle est loin, la cité du XIXe siècle décrite à l'entrée de la ville sur des panneaux rutilants.

GR®70 De Pradelles (Haute-Loire) à Langogne (Lozère) 4Jusqu'à la révolution industrielle, Langogne fut une cité prospère. On y élevait des bovins et des moutons. On y vivait - et on y vivote encore - de l'élevage. Au moment de l'industrialisation, la lutte fut rude, puis inégale avec le Sud, Nîmes, Alès. Petit à petit, les activités commerciales et les grandes foires au bétail ne furent plus qu'un souvenir. Les mines ont fermé et Langogne s'est accroché à ses maigres revenus.

On vit aujourd'hui du tourisme, et la révolution industrielle avortée a fait grand bien à la nature, à ses arbres et à ses rivières. Ici le taux de pollution est minuscule, presque inexistant. Les eaux sont claires, Noée qui les a goûtées en atteste. La saison estivale est passée, nous sommes les derniers transhumants et personne ne tient à nous renseigner. On ne nous retient pas. Ce soir encore, nous dormirons dans l'herbe en comptant les nuages...

Avant la fuite, j'achète La Bête du Gévaudan, une grande énigme de l'Histoire, de l'abbé Félix Buffière. Long moment dans la librairie. L'Auberge rouge et ses comptes rendus s'étalent sur plusieurs mètres. Le libraire fait l'article, j'hésite. Me faire peur, cette nuit, dans la forêt, à la lueur d'une torche.Comme lorsqu'on est enfant et qu'on s'amuse à évoquer l'épouvante... Dans La Bible du hibou, contes et légendes du temps où les hivers étaient rudes, Henri Gougaud donne une savoureuse version de l'auberge sanglante. Dans "L'auberge de la Guette" c'est "une ogresse échevelée et crasseuse qui assassine, aidée par ses deux fils teigneux comme des chats du Diable".

Je n'y songeais guère à Pradelles en écoutant le bossu, mais là l'histoire me revient. Et aussi d'autres contes. "Les loups fantômes de Cronthal" et "Les sept sorcières." Je pose mon sac et m'installe au coin du feu, avec dans les narines une odeur de cannelle et de vin chaud. Entre Gévaudan et Carpathes. Ce sont les contes et les histoires folles qui m'ont fait perdre la raison. Je les ai lus seul, et la Transylvanie fut longtemps l' endroit secret où je me réfugiais. Là, on me fichait la paix. par Eric Poindron, extrait de "Belles étoiles" Avec Stevenson dans les Cévennes, collection Gulliver, dirigée par Michel Le Bris, Flammarion.

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GR®70 De Pradelles (Haute-Loire) à Langogne (Lozère) 5Le Berger des Montagnes et les Randonneurs
Dans un petit hameau entre Pradelles et Langogne vivait un jeune homme nommé Lucien. Il était le gardien des vaches de la ferme familiale, un rôle qu’il assumait avec passion et dévouement. Chaque matin, avant que le soleil ne se lève, Lucien quittait la vieille chaumière en pierre. Son bâton de berger à la main, il appelait les vaches d’une voix douce, et elles se rassemblaient autour de lui. Son chien, Gaston, les guidait vers les pâturages verdoyants, où l’herbe était douce et les ruisseaux murmuraient des secrets anciens. Lucien aimait ces moments solitaires avec les vaches. Il leur racontait des histoires, comme s’il pouvait lire leurs regards paisibles. Il leur parlait des étoiles, des saisons qui se succédaient, et des randonneurs qui arpentaient le sentier de Stevenson. Les vaches semblaient l’écouter attentivement, leurs grands yeux bruns reflétant la sagesse des montagnes.

GR®70 De Pradelles (Haute-Loire) à Langogne (Lozère) 6Un jour, alors que Lucien guidait les vaches vers un pré ensoleillé, il aperçut des silhouettes au loin. Des randonneurs, chargés de sacs à dos et de bâtons de marche, suivaient le sentier de Stevenson. Ils étaient fatigués mais heureux, leurs visages illuminés par la beauté des paysages. Lucien les salua chaleureusement. « Bonjour ! » dit-il. « Vous suivez le chemin de Stevenson, n’est-ce pas ? » Les randonneurs hochèrent la tête. L’un d’eux, une femme aux cheveux grisonnants, sourit. « Oui, nous marchons depuis des jours, à travers les montagnes et les vallées. C’est magnifique ici ! » Lucien acquiesça. « Les vaches aussi aiment ces collines », dit-il. « Elles connaissent chaque sentier, chaque recoin. Elles sont les gardiennes des secrets de ces montagnes. » Les randonneurs rirent. « Et toi, jeune homme, quel est ton secret ? » demanda un homme barbu. Lucien hésita, puis sourit. « Mon secret, c’est que je parle aux vaches », dit-il. « Elles me racontent des histoires, et je les écoute. Ensemble, nous veillons sur ces terres. »

Les randonneurs échangèrent des regards complices. « Alors, raconte-nous une histoire », dit la femme aux cheveux grisonnants. Et Lucien raconta. Il parla des étoiles qui veillaient sur les bergers la nuit, des légendes des anciens, et de la Bête du Gévaudan qui avait autrefois hanté ces montagnes1. Les randonneurs écoutèrent, captivés, tandis que les vaches broutaient paisiblement. Depuis ce jour, Lucien devint le conteur des montagnes. Les randonneurs s’arrêtaient souvent près de sa ferme, pour écouter ses récits et partager un repas. Et les vaches, elles, semblaient approuver, leurs cloches tintant en harmonie avec les histoires du jeune berger. Et ainsi, entre les pas des randonneurs et les regards bienveillants des vaches, Lucien trouva sa place dans ces paysages majestueux de Haute-Loire vers la Lozère, où les légendes se mêlaient à la réalité.

C’est ainsi que le jeune Lucien, gardien des vaches et conteur des montagnes, tissa des liens entre les randonneurs du sentier de Stevenson et les secrets ancestraux des monts lozériens.

 

L'Etoile Chambres et tables d'hôtes à La Bastide Puylaurent entre Lozère, Ardèche et Cévennes

Ancien hôtel de villégiature avec un grand jardin au bord de l'Allier, L'Etoile Maison d'hôtes se situe à La Bastide-Puylaurent entre la Lozère, l'Ardèche et les Cévennes dans les montagnes du Sud de la France. Au croisement des GR®7, GR®70 Chemin Stevenson, GR®72, GR®700 Voie Régordane (St Gilles), Cévenol, GR®470 Sources et Gorges de l'Allier, Montagne Ardéchoise, Margeride et des randonnées en étoile à la journée. Idéal pour un séjour de détente.

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